Le magnetisme Darwinien

Publié le par T, dit le-dit

Attention aux lecteurs : etes-vous prets pour l’experience Darwin ? Petit ville tropicale, capitale des territoires du Nord de l’Australie, Darwin possede un magnetisme totalement inattendu quand on connaît la ville sur le papier. Et pourtant… Pour resumer, Darwin, c’est un steack dans une poele, en train de hurler, alors que le feu est eteint.

 

En survolant Darwin pour le premiere fois lorsque l’on arrive en avion, d’abord on se demande si ce qu’on voit est bien Darwin, ou si la ville va apparaître un peu plus loin. On distingue deux buildings, de la verdure et pas grand-chose d’autre. La premiere phrase qui vient en tete, c’est « quitter le froid pour le rien, bonne operation fiston ». La deuxieme phrase, c’est surement « ca doit etre typique et joli, au moins on aura le temps de tout voir ». Puis la troisieme phrase, c’est probablement « Et puis finalement, rien ne nous retiens a Darwin…». Et vous n’avez même pas encore pose le pied dans la ville du steack…

 

Architecturalement, comment dire, c’est RIEN. Enfin si, historiquement, c’est de la destruction. Darwin a ete bombarde maintes fois par les Japonais durant la Seconde Guerre mondiale, puis comme ca ne suffisait pas la ville a ete totalement rasee par le Cyclone Tracy en 74, qui plus est le jour de Noel pour apporter la petite touch’ locale. Resultat, aujourd’hui Darwin c’est un ensemble de batiments recents construits en materiau flexibles genre maison des tropiques, pleines d’ouvertures, de clims et de ventilateurs en terrasse. Le centre ville est compose de quelques rues, avec a retenir : la Mitchell Street, cœur de la nightlife Darwinienne, la Smith St Mall qui est la rue pietonne avec les boutiques, et la Knuckey street avec le Mc Donald’s (et autres). Au milieu de tout ca le Woolworth (Carrefour local) qui sert de parking gratuit, et comme grande artere d’entree et de sortie de la ville, la Stuart Highway qui est l’autoroute du rien pour rejoindre le centre de l’Oz. Tout autour, des banlieues vertes ou il fait bon vivre, quelques plages ou il ne faut pas se baigner pour les crocodiles et les meduses (au choix) et des parcs naturels.

 

Ca parait sincerement bien pourri, criez-le je vous entends le penser tout haut. Eh bien je ne peux pas vous laisser dans une telle erreur. Cette ville est une fusee, un pantheon a la gloire de la tropicalite. Apres trois mois passes ici, je n’eprouve pas de lassitude. Au contraire, mon amour augmente. Darwin surprend chaque jour. En majeure partie grace aux elfes qui la constituent. Sur cette sequence j’appellerai un elfe toute personne dotée d’un style, d’une personnalite ou d’une gestuelle telle qu’on la croirait sortie tout droit d’un film de Tarentino. Producteurs de mad moovies, vous avez ici une fontaine a acteurs. Pas besoin de script, posez la camera sur le trottoir et laissez agir l’elfisme. Je conseille une camera numerique, le magnetisme ambiant risquant d’alterer les pellicules.

 

Darwin, c’est un grand croisement general entre voyageurs, locaux dejantes, aborigenes malheureusement ouvertement exclus, immigrants (asiatiques notamment) et le tout baignant dans une atmosphere rythmee par des saisons extremes. Temps extremement parfait en saison seche (soleil et pas une seule goutte de pluie de fevrier a aout), puis build-up avec un taux d’humidite qui rend tout moite et vous etouffe, puis en janvier des pluies diluviennes qui ne laissent pas d’autres choix que de regarder lkes fameux eclairs et l’eau tomber non-stop pendant trois semaines. Eh bien l’exces des saisons colle parfaitement a Darwin. Tout simplement parce que c’est comme ca. Darwin, vous ne comprenez pas ce qui arrive et c’est genial.

 

Nous nous sommes d’abord retrouves dans la mer (oui oui, celle ou il y a les crocodiles) a faire du ski nautique avec Matt, un local aux cheveux longs qui s’est fait manger deux doigts de pieds par un requin sur la grande barriere de corail et qui nous a finalement montre comment ouvrir une noix de coco apres une nuit blanche pour en boire le jus, avant de finir par des milkshake banane maison saupoudres de cacahuete pour donner un petit gout special, cette phrase est tres longue, c’est normal, vous touchez l’echec du doigt. Puis nous avons rencontres Dimity, une fille debarquee recemment du New South Wales, qui est venue s’installer comme physiothérapeute a Darwin, qui a vecu en Somalie, aux iles Tonga, qui nous a montre comment manger des fourmis vertes et qui est partie faire le timor de l’est en velo le mois dernier, cette phrase est tres longue, c’est normal, vous courrez vers l’echec.

 

Mais le clou, l’epicentre de la vibe darwineuse, c’est le boulot. Definitivement, un des meilleurs moyens de connaître un lieu, c’est d’y travailler. Il parait que c’est impossible de bosser a Darwin. Mais apres avoir suivi la regle de base de ne jamais ecouter les backpackers (qui se rebalancent souvent des infos sans les verifier, ou sont dans un trip ou le boulot est une composante lunaire), nous avons trouve du boulot pour deux au port, dans un restaurant, dans une ferme pour cueillir des mangues et finalement  comme paysagistes. C’est donc confirme, a Darwin, il y a du travail quand on gratte. Et surtout il y a du travail bien paye, facile, et dans un environnement avec une concentration en elfes hors du commun.

 

Le premier pas dans la recherche d’emploi a ete la rencontre avec Bushy. Bushy, c’est un long-grasser (personne vivant dehors dans un sac de couchage, une sorte de SDF mais sans la connotation malheureuse du mot francais) d’une cinquantaine d’annee, qui se definit comme un bushman (homme de la nature). Un grand chapeau de sorcier, une barbe blanche facon pere Noel, un sac en toile de jutte et un sac de couchage en permanence avec lui, il nous conseille d’aller voir Peter au port. Nous suivons son conseil et nous voila en train de decharger des caisses de 30 kgs de poisson, de les empaqueter et de les ecailler. Tout ca au sein d’une equipe qui sent le poisson, avec comme des collegues des personnes comme Paul qui vivent chaque moment de leur vie comme si ils tournaient une scene. C’est soit un fuck sur le monte-charge, soit des petits cris incomprehensibles, soit un camion majorette qu’il s’amuse a faire remonter le long de la ligne de dechargement, soit de la peinture a la bombe sur les piliers en fer de l’abri… Le boulot est bien paye, 20 dollars de l’heure « cash in hand » (en liquide) tous les soirs, et en plus c’est declare. Le bemol, c’est qu’il n’y a pas de bateaux tous les jours, nou avons besoin de faire plus d’heures.

 

Sans entrer dans tous les details, nous finissons par travailler le jour comme paysagistes et le soir comme serveurs. L’entreprise de paysagisme peut se resumer a Chris, le boss, qui nous emploie tous au noir et constitue le stereotype de l’electron libre. Nous travaillons bien entendu sur des chantiers sans permis, sans signalisation etc… La premiere regle qu’il nous apprend : « si un controleur du gouvernement vient vous demander ce que vous faites, vous dites que vous ramassez les poubelles et que vous exploitez la regle des 5 minutes » (peu importe ce qu’est cette regle). La deuxieme regle : « une fois que le controleur est parti, vous allez boire un coup puis vous revenez sur le chantier et vous continuez tranquillement ». Genial. Nous sommes tout simplement des virus. Chris, c’est aussi l’homme qui ne donne jamais de consignes. Il te laisse sur un chantier avec les outils et s’en va illico. Le moindre doute, tu improvises a la Darwinienne. De toute facon, il est toujours content et on bosse toujours trop vite. La consigne recurrente, c’est « prenez votre temps ». Le petit bonus : lorsqu’on bosse le samedi, il nous amene des Powerade. Pour s’adapter au rythme, on est meme oblige de dormir au boulot. Pas plus tard qu’hier, 1h30 de sieste sous un arbre a l’ombre pour rester dans le timing prevu…


Chris, c’est aussi un recruteur hors-pair : son equipe comprend un Neo-Zelandais avec un rythme cardiaque qui doit approcher celui du verre d’huile, un australien qui a travaille dans un ranch de bovin, dans les mines et qui vient de se faire refaire les dents pour 20.000 dollars, un homme a tout faire (Steven lui aussi) qui est le sosie de Gandalf et lache un bon fuck off des que possible, et 4 backpckers dont nous qui sommes les moins doues manuellement de l’hemisphere sud. Resultat : ca tourne lentement mais bien, l’ambiance est excellente (dur d’imaginer un clash vu la tranquillite ambiante). Chris recolte aussi les invendus des boulangeries tous les soirs, il y a donc en permanence du pain et des viennoiseries a volonte. La logique, c’est aussi par exemple d’aller tous ensemble avec lui sur le chantier pour qu’il nous le montre, puis revenir au bureau et repartir sur le chantier avec d’autres vehicules. Pourquoi ne pas y aller directement chacun dans son vehicule pour gagner un aller-retour ? Cette question est aussi obscure que pourquoi il ne remplit les reservoirs qu’au quart ce qui oblige a retourner a la station tous les trois jours, ou alors pourquoi il porte tout le temps une chaussette jaune fluo et une autre orange fluo, ou bien meme pourquoi la collectivite choisit-elle a Darwin de planter des patates sur les ronds-points et non des fleurs ? La reponse est peut-etre dans le fait qu’il dort dans un contenaire qu’il a ammenage au milieu de son hangar, et que la collectivite lui confie l’entretien des espaces verts.

 

Vous l’aurez compris, ce ne sont pas les personnages qui manquent a Darwin. Et encore il y en a tellement d’autres… Il est temps de conclure pour cette description de la partie « blanche » de Darwin, et de laisser le sujet aborigene pour un autre article. Car ne l’oublions pas nous meme, il y a malheureusement beaucoup de racisme dans cette ville et la cohabitation entre blancs et noirs (on est restes sur certains sujets un siecle en retard…) se resume dans l’ensemble a l’ignorance ou a la mendicite, meme si de nombreuses galleries de souvenirs aborigenes ont pignon sur rue pour les touristes. Vous avez maintenant peut-etre saisi ? Darwin, c’est un steack dans une poele, en train de hurler, alors que le feu est eteint.

Publié dans Australie

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Commenter cet article
C
<br /> Mon cher Steven, en tant qu'elfe, je ne pourrais aucunement te contredire...!<br /> J'ajouterais seulement que pour moi, Darwin est plutot la ville Club Med, la ville de passage pour la majorite des backpackers qui viennent y depenser l'argent durement gagne a telephoner a<br /> Papa/Maman pour avoir une avance sur le mois prochain...<br /> Mais en tout cas, il est vrai que lorsqu'on y reste, on est comme envoutes...<br /> Je dirais, pour ma part en tout cas, que le fait de trouver regulierement des personnes du sexe opposee pour divertir mes soirees y est pour quelque chose...<br /> Ce qui est sur, c'est qu'au detour d'un affofato, on peut y faire de bonnes rencontres, et CA, ca va rester...<br /> ;-)<br /> <br /> <br />
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F
Enfin, te revoila de retour sur le blog. Ca fait du bien !
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